• Je prendrai par la main les deux petits enfants


    Je prendrai par la main les deux petits enfants ;
    J'aime les bois où sont les chevreuils et les faons,
    Où les cerfs tachetés suivent les biches blanches
    Et se dressent dans l'ombre effrayés par les branches ;
    Car les fauves sont pleins d'une telle vapeur
    Que le frais tremblement des feuilles leur fait peur.
    Les arbres ont cela de profond qu'ils vous montrent
    Que l'éden seul est vrai, que les coeurs s'y rencontrent,
    Et que, hors les amours et les nids, tout est vain ;
    Théocrite souvent dans le hallier divin
    Crut entendre marcher doucement la ménade.
    C'est là que je ferai ma lente promenade
    Avec les deux marmots. J'entendrai tour à tour
    Ce que Georges conseille à Jeanne, doux amour,
    Et ce que Jeanne enseigne à George. En patriarche
    Que mènent les enfants, je réglerai ma marche
    Sur le temps que prendront leurs jeux et leurs repas,
    Et sur la petitesse aimable de leurs pas.
    Ils cueilleront des fleurs, ils mangeront des mûres.
    Ô vaste apaisement des forêts ! ô murmures !
    Avril vient calmer tout, venant tout embaumer.
    Je n'ai point d'autre affaire ici-bas que d'aimer.

    Victor Hugo
    , Je prendrai par la main les deux petits enfants

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